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Mon père, ce pruneau...

  • La rêveuse en orbite
  • 8 oct.
  • 3 min de lecture

4h du matin. Insomnie.

Soudain une illumination : « Mon père est une vieille prune ! »


J’éclate de rire toute seule au moment où l'image apparait devant mes yeux.


Pourtant, plus j’y pense, plus ça sonne juste : cela fait au moins vingt ans qu’il se ratatine.

Lentement mais sûrement, il se dessèche, comme ces fruits qu’on oublie dans un coin.

Aujourd’hui, il n’est plus qu’un vieux pruneau : sec, acide, sans consistance, du genre à péter un carreau s’il tombait trop près d’une vitre.

 

Pourtant, enfant, je le voyais autrement.

Actif, sociable, souriant, apparemment épanoui…

C’était vraisemblablement une illusion, un filtre que je m’étais fabriqué pour me protéger.

Parce qu’au fond, je le sais, ce côté vieux schnok rabougri était déjà bien ancré en lui.

 

Fils unique chéri, né juste après la guerre, il a connu une enfance solitaire mais particulièrement douce pendant laquelle on lui a vraisemblablement passé tous ses petits caprices.

Il a grandi dans un cocon feutré sans que personne ne vienne jamais bousculer ses certitudes.

Cette surprotection a forgé l'adulte capricieux qu'il est devenu.

 

Dans la vingtaine il a épousé ma mère, une femme excessive, flamboyante, très amoureuse de lui, mais dont les accès de colère étaient souvent à limite de la violence.

Ensemble ils ont joué pendant 55 ans la pièce du « couple parfait », une façade brillante mais des coulisses minées de disputes, de frustrations et de rancunes.

 

Leur vie ? Boulot, routine, engueulades.

Pas d’art, pas de musique, pas de curiosité, juste ce cercle étroit qu’il contrôlait, hermétique comme un bocal trop bien vissé.

 

Pourtant, le plus étonnant c’est qu’ils ont réussi à nous inculquer, à nous leurs enfants, les valeurs de la famille, de l’amour, de l’entraide, de la droiture…

Valeurs qu’ils étaient bien incapables d’incarner en vrai.

Une bien belle mascarade !

 

Et pourtant… dans mon souvenir, il y a aussi eu des moments lumineux.


L’été quand nous étions en vacances, nous brisions un peu cette machine infernale en voyageant et en découvrant d’autres univers. C’est vrai.

Dans ces moments-là nous croquions à pleines dents les richesses des endroits que nous traversions.

Alors nous visitions, vivions, et nous riions !

 

Je crois que c’est ça que je garde malgré tout : cette part joyeuse de mon père qu’il laissait parfois filtrer, comme une faille dans sa carapace.

 

Il y a aussi un héritage que je lui concède volontiers : ma passion pour les mots.

Je me revois, enfant, assise face à son bureau, l’observant ébahie de l’agilité qu’il avait à dicter des courriers sans fin à son assistante.

Je m’enivrais de ses formulations, de sa verve parfois acerbe lorsqu’un dossier lui résistait.

 

Mais, même là, il a réussi à transformer ce don en une rengaine incessante !


Désormais il sert à chaque rencontre son mot fétiche « factotum » pour définir son activité à nos côtés, comme s’il s’agissait d’une trouvaille géniale.

Alors, il bombe alors le torse, jubile, persuadé d’avoir sorti un mot rare que vous n’avez jamais entendu.

 

Et vous me direz : c’est quoi le rapport avec cette foutue prune ?

 

C’est là que la métaphore devient limpide : à force de tourner en rond dans son petit univers clos, il a perdu toute sa substance.

Il s’est racorni de l’intérieur, desséché par le vent qu’il remue, comme un ventilateur brasse l’air fétide d’une pièce jamais aérée !


Résultat : il est devenu une vieille prune sèche. Vide. Pathétique.

 

Même nous, ses propres enfants, qu’il a de la chance d’avoir près de lui au quotidien, sommes devenus des cailloux dans sa chaussure dès que nous cherchons à lui insuffler un peu de joie…


Quel gâchis !

 

Alors, amis lecteurs, permettez-moi de vous donner un conseil avisé : ne laissez jamais vos peurs, vos limites, vos routines et vos certitudes vous aspirer la moelle.


Sortez, vivez, riez, découvrez, expérimentez, aimez, jouissez, faites-vous mal…


Ne vous contentez jamais de ce qu’on vous fait voir, soyez curieux, ambitieux, rayonnants, ouverts… arrosez-vous de tout !!!

 

Parce qu’à la fin de l’histoire, il vaut mieux être une belle pèche juteuse qui dégouline de vie qu’un vieux pruneau tout sec oublié au fond d’un placard !

 

Allez, à la nôtre !

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